Claude Rich sur le tournage de Tout l’or du monde de René Clair en 1961 - © Alain Adler/Roger-Viollet

Hommage à Claude Rich

Acteur solaire, talentueux, discret mais prolifique, Claude Rich nous a quittés le 20 juillet 2017 à l’âge de 88 ans. Retour sur la carrière exemplaire de cette figure emblématique de la Comédie à la française à l’élégance et au sourire légendaires.

Né le 8 février 1929 à Strasbourg, il amorce sa vie active en tant qu’employé de banque, avant de s’adonner corps et âme à sa passion, le théâtre. Celle-ci survient au beau milieu de son adolescence tandis que la Seconde Guerre Mondiale fait rage et, quelques années plus tard, le jeune Claude réussit haut-la-main son entrée au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique – promotion 1953 – où il côtoie notamment Jean-Paul Belmondo, Jean Rochefort, Jean-Pierre Marielle, Bruno Cremer, Michel Beaune et Pierre Vernier. Une base essentielle.

Catherine Anouilh, Claude Rich, Brigitte Bardot et Yves Robert dans Les Grandes manœuvres (René Clair, 1955)

Tous n’ont d’yeux que pour les planches. Il n’empêche, le Septième Art ne tarde pas à les solliciter un à un, et c’est ainsi que Claude Rich se voit proposer dès l’année 1955 un petit rôle dans le film Les Grandes Manœuvres sous la direction de René Clair. Une collaboration salutaire car, fort de cet essai, auréolé par ailleurs de cinq millions trois cent mille entrées, le cinéaste le convie à nouveau six ans plus tard pour Tout l’or du monde avec Bourvil et Philippe Noiret. Encore un succès.

Claude Rich entouré de Philippe Noiret, Guy Bedos, Pierre Mondy, Michael Lonsdale, Jacques Balutin et Christian Marin dans Les Copains (Yves Robert, 1965)

Dès lors, le comédien multiplie les contrats : « Ce métier, avouera-t-il un jour, plus je l’ai fait, plus je l’ai aimé. » Il s’aventure donc chez Raoul André (La Polka des menottes), sympathise avec Yves Robert (Ni vu… ni connu…, Les Copains), s’essaye à la verve de Jean-Pierre Mocky (Les Compagnons de la Marguerite) ou de Michel Audiard (Une veuve en or) et ne s’égare que très rarement (Comment trouvez-vous ma sœur ? de Michel Boisrond, La Revanche de Pierre Lary).

Claude Rich et Catherine Rich dans Les Compagnons de la Marguerite (Jean-Pierre Mocky, 1967) - © Mercurfilm/Balzac Films

Entre-temps, les années 1960 s’avèrent fructueuses pour l’artiste, engagé dans ce qui se révèlera être un classique incontournables de la Comédie à la française : Les Tontons flingueurs (1963) de Georges Lautner. Claude Rich aura toujours une heureuse pensée pour ses Tontons : « Lino Ventura s’est montré très chaleureux. Il m’a traité d’égal à égal. Et il y avait également les autres, dont Jean Lefebvre, que j’avais connu au Cours Simon, sans oublier l’étonnant Francis Blanche. Un poème à lui seul. »

Bernard Blier, Lino Ventura, Sabine Sinjen, Claude Rich et Francis Blanche sur le tournage des Tontons flingueurs (Georges Lautner, 1963) - © Gaumont

« Sur le tournage, on travaillait ensemble, on mangeait ensemble, on rigolait ensemble, a confié le dernier Tonton flingueur Venantino Venantini au journaliste Jean Talabot. Claude ne me voyait pas comme un étranger mais comme un ami. On s’amusait énormément. J’ai pas mal suivi sa carrière, comme acteur, c’était un grand ! Un homme très doux, très gentil, qui avait beaucoup de classe et de style ».

En 1964, Édouard Molinaro engage le comédien dans La Chasse à l’homme, une comédie dialoguée par Michel Audiard. Claude Rich y retrouve son copain de conservatoire Jean-Paul Belmondo.

Trois ans plus tard, le comédien tourne à nouveau sous la direction de Molinaro dans l’adaption d’une pièce de Claude Magnier dans laquelle Louis de Funès a triomphé au début des années 1960 : Oscar. Deuxième du Box-office de l’année 1967 juste derrière Les Grandes vacances de Jean Girault avec l’incontournable Louis de Funès, le film rassemble plus de six millions de spectateurs, et permet à Claude Rich d’asseoir un peu plus sa réputation cinématographique dans le domaine de la comédie.

Claude Rich et Louis de Funès dans Oscar (Édouard Molinaro, 1967) - © Gaumont
Louis de Funès et Claude Rich dans Oscar (Édouard Molinaro, 1967) - © Gaumont

Le tournage d’Oscar subit selon le comédien de nombreux aléas. Louis de Funès ne cesse de se rappeler au bon souvenir de Guy Bertil, son partenaire sur scène, et dont Claude Rich reprend le costume à l’écran, non sans tension. Il précise en sus, au journal L’Aurore, le 10 mars 1967 : « Le plus drôle c’est qu’à l’origine j’avais été engagé pour jouer ce rôle au théâtre, à sa création en 1958. Puis la veille de la première répétition, l’auteur m’a convoqué et il m’a dit : « Ça ne va pas du tout, j’ai réfléchi… Vous allez rendre mon personnage antipathique. » Ce qui est paradoxal parce que je jouais un rôle très sympathique à cette époque dans Virginie [une pièce de Michel André, ndlr]. Mais le rôle a été donné à Belmondo et comme j’avais abandonné Virginie qui marchait pourtant très bien, pour ce mirage d’Oscar, je me suis trouvé chômeur pendant six mois… Tout ça à cause de ma mine patibulaire. »

Rich favorise ensuite les planches, et ce n’est qu’à l’aube des années 1990 qu’il reprend goût à la comédie cinématographique, en partie grâce à Didier Kaminka qui parvient à le pousser à l’extrême, d’abord dans Les Cigognes n’en font qu’à leur tête, puis dans Promotion Canapé, où il campe un inspecteur des PTT redoutable d’obscénités, en compagnie de Grace de Capitani, Zabou Breitman, Michel Crémadès et Jean-Pierre Castaldi. Du culte en puissance. Didier Kaminka se souvient : « Pour aborder chacun de ses personnages, Claude me disait que c’est la façon de marcher qui est importante. Il ne voulait pas jouer avec des chaussures neuves mais avec des chaussures déjà portées, donc les siennes ! »

Dieudonné, Marthe Keller et Claude Rich dans Le Derrière (Valérie Lemercier, 1998)

S’ajoutent à sa filmographie La Fille de d’Artagnan, une comédie d’aventures de Bertrand Tavernier – son illustration du Duc de Crassac, à la limite de la parodie, est un des atouts majeurs du métrage –, Désiré de Bernard Murat d’après Sacha Guitry – face à son vieux complice Jean-Paul Belmondo –, Le Derrière de Valérie Lemercier – où il forme avec Dieudonné un couple irrésistible –, La Bûche de Danièle Thompson, Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre d’Alain Chabat – au sein duquel il succède divinement à Claude Piéplu dans le rôle du chef Panoramix –, Le Coût de la vie de Philippe le Guay, Le Crime est notre affaire de Pascal Thomas – le meilleur de la trilogie du cinéaste inspirée d’Agatha Christie –, Bancs publics (Versailles Rive Droite) de Bruno Podalydès, 10 jours en or de Nicolas Brossette, Cherchez Hortense de Pascal Bonitzer.

Claude Rich entouré de André Dussollier, Annie Cordy, Catherine Frot, Chiara Mastroiani et Melvil Poupaud dans Le Crime est notre affaire (Pascal Thomas, 2008)

Il tourne en 2010 avec le réalisateur Stéphane Robelin un de ses derniers grands films, Et si on vivait tous ensemble ? l’histoire drôle et émouvante d’une « colocation du troisième âge » composée de Rich, Guy Bedos, Géraldine Chaplin, Jane Fonda et Pierre Richard. Un triomphe, aussi bien critique que public puisque l’œuvre est parmi les cinq les plus rentables de l’année 2012 au box-office hexagonal. « Je suis profondément attristé de la mort de Claude Rich car il était profondément gentil, nous a confié Pierre Richard. Je n’ai tourné qu’un film avec lui, alors comment s’y est-il pris pour que j’en sois sorti avec une affection profonde pour lui ? Oui, je suis très triste. »

Pierre Richard, Guy Bedos et Claude Rich sur le tournage de Et si on vivait tous ensemble ? (Stéphane Robelin, 2012) - © CineComedies

En 2000, Bertrand Blier soumet à Claude Rich l’idée d’incarner son propre rôle dans Les Acteurs. Une inspiration lumineuse, d’autant que le metteur en scène cible juste, donnant à son interprète un texte que l’on croirait écrit par lui-même : « J’ai tellement été heureux, toujours. Je me suis demandé pourquoi, pourquoi moi. Tellement de chance. Enfin, comment c’était possible… Même quand je me ramassais, je me disais : quel veinard ! Tu les vois les petites rides que j’ai aux coins des yeux ? Ça s’appelle un froncé. Ça veut dire que le rideau est ouvert ! On donne une représentation charmante. On m’aime. On me trouve spirituel. Je me sens léger… ».

par Gilles Botineau

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