Hommage à Michel Robin

Hommage à Michel Robin

J’ai eu le bonheur de tourner avec Michel Robin par trois fois.
Quel comédien délicieux, tout en nuance, et l’homme l’était tout autant. Je suis très triste.
Pierre Richard

Visage familier de la comédie à la française, Michel Robin vient de nous quitter le 18 novembre 2020 à l’âge de 90 ans.

Né le 13 novembre 1930, Michel Robin n’envisage pas, comme beaucoup, d’embrasser une carrière artistique dès son plus jeune âge : « J’étais persuadé qu’il fallait être beau comme Gérard Philipe… et comme je ne l’étais pas ! » Au préalable, il amorce donc des études de droit, tout en rejoignant une compagnie de théâtre amateur présente au sein de la faculté. Et c’est là que la révélation s’opère : « Un jour, la dame qui nous dirigeait et qui nous répétait que comédien était un métier de crève-la-faim m’a pris à part pour me dire que moi, j’étais différent. Qu’il fallait que je monte à Paris. »

Michel Robin - © CineComedies

Il s’inscrit alors aux Cours Dullin où il croise notamment Pierre Richard : « Michel, qui était dans le même cours que moi, avait un atout majeur. À vingt ans, il était déjà comme aujourd’hui. Si bien qu’aujourd’hui, il a toujours l’air d’avoir vingt ans. » Par la suite, les deux hommes tourneront trois fois ensemble (La Coqueluche, Le Jouet, La Chèvre).

ierre Richard et Michel Robin dans Le Jouet (Francis Veber, 1976) - © Pathé

Il débute rapidement sur les planches, d’abord dans la troupe de Roger Planchon, puis dans la compagnie Renaud-Barrault. Pour autant, les débuts sont durs : « Mes parents m’ont aidé, explique-t-il, mais les fins de mois étaient difficiles. Je vivais dans une chambre de bonne, sans eau. À l’époque, mon idéal était d’avoir de quoi m’offrir un hot dog chez Roger la Fritte ! Il m’est arrivé de n’avoir qu’un œuf à manger. »

Pour s’évader, il joue On ne badine pas avec l’amour d’Alfred de Musset, Georges Dandin de Molière, Les Trois mousquetaires d’Alexandre Dumas et, un peu plus tard, En attendant Godot ainsi que Fin de partie, deux pièces signées Samuel Beckett, son auteur favori. Durant près de cinquante ans, il met son talent au service des grands auteurs dont Shakespeare, Tchekhov, Ibsen, Brecht, Ionesco.

Louis de Funès et Michel Robin dans Les Aventures de Rabbi Jacob (Gérard Oury, 1973) - © TF1 Studio

Conjointement, le 7e Art le prend sous son aile et lui offre des rôles de plus en plus conséquents, notamment dans des comédies. On le découvre pour la première fois en 1966 dans Qui êtes-vous Polly Maggoo ? de William Kein, avant d’enchaîner avec Le Mur de l’Atlantique (Marcel Camus, 1970) aux côtés de Bourvil, La Coqueluche (Christian-Paul Arrighi, 1971) entouré de Pierre Richard et Michel Galabru, sans oublier Les Aventures de Rabbi Jacob (Gérard Oury, 1973) qui lui permet de donner la réplique à Louis de Funès.

Germaine Delbat et Michel Robin dans L'Hôtel de la plage (Michel Lang, 1978) - © Gaumont

La figure de Michel Robin s’impose également par le biais de Francis Veber, qui en fait un domestique résigné dans Le Jouet (1976), et Michel Lang qui en fait un vieux garçon sans cesse accompagné de sa vieille maman dans L’Hôtel de la plage (1978).

Les Petites fugues (Yves Yersin, 1979)

C’est en 1979 qu’il révèle la grandeur de son talent à l’écran dans Les Petites Fugues, une comédie du cinéaste suisse Yves Yersin. Robin y est Pipe, un ouvrier agricole découvrant la liberté et qui, en conséquence, se découvre lui-même. Yersin affirme avoir choisi Michel Robin, peu typé « pour sa dimension universelle. »
Malgré un « tournage difficile », Michel Robin en garde un bon souvenir : « Je devais faire des choses bizarres, mais qui, avec le recul, étaient plutôt rigolotes. Et le tournage était magnifique. J’ai adoré découvrir les paysages de montage et manger de la fondue. C’est devenu une passion. » À la sortie du film le 12 septembre 1979, tout le monde salue la performance du comédien. Parmi les critiques, le Nouvel Obs le compare même à Jacques Tati et Michel Simon, tandis que la profession lui décerne le Grand prix d’interprétation du Jury au Festival de Locarno.

Parallèlement à sa carrière au théâtre et au cinéma, Michel Robin tourne pour la télévision. Pour les jeunes spectateurs ayant grandi dans les années 1970 et 1980, il demeure l’inoubliable inventeur Doc avec son chien Croquette dans la version française de Fraggle Rock, une série créée par Jim Henson, le papa du Muppet Show, dont 71 épisodes ont été diffusés entre le 16 octobre 1983 et le 1 septembre 1986 sur FR3.

En 1981, cinq ans après sa participation dans Le Jouet, Michel Robin retrouve Pierre Richard et Francis Veber dans La Chèvre. Le comédien y interprète l’homme d’affaires Alexandre Bens qui, afin de retrouver sa fille malchanceuse disparue au Mexique, confie l’enquête à un comptable de son entreprise aussi malchanceux qu’elle (Pierre Richard dans le rôle de François Perrin) accompagné d’un détective privé (Gérard Depardieu dans le rôle de Campana).

André Valardy et Michel Robin dans La Chèvre (Francis Veber, 1981) - © Gaumont

Le comédien continue ensuite son petit bonhomme de chemin avec simplicité et discrétion. On le retrouve ainsi chez Pascal Thomas (Les Maris, les femmes, les amants, 1988), Hervé Palud (La Gamine, 1991), Jean-Paul Salomé (Restons groupés, 1997), Jean-Pierre Mocky (Vidange, 1998), Jean-Pierre Jeunet (Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain, 2000), Bruno Podalydès (Adieu Berthe, 2012) et Alain Resnais (Vous n’avez encore rien vu, 2012).

Denis Podalydès et Michel Robin dans Adieu Berthe (Bruno Podalydès, 2012) - © UGC

Il y a peu, face à la journaliste Véronique Châtel, Michel Robin témoignait d’ailleurs : « Je préférerais avoir 50 ans, mais j’aime être vivant. Je continue de rêver, d’écouter de la musique — du Mozart, du Verdi, du Bach… —, surtout la nuit toutes fenêtres ouvertes. J’ai du mal à me projeter au-delà de 95 ans. Il me semble que, alors, je serais peut-être quand même vieux. »

Clément Thomas, Ann Fiona et Michel Robin dans Les Maris, les femmes, les amants (Pascal Thomas, 1989) - © TF1 Studio

par Gilles Botineau et Jérémie Imbert

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